Pourquoi ce site ?

Le Zen est aujourd’hui bien installé en Europe. On trouve aujourd’hui de nombreux lieux de pratique, nombre de textes, non disponibles jusque dans les années 1960 pour un large public, sont aujourd’hui traduits et de nombreux enseignants sont habilités à guider les pratiquants. Cependant, par bien d’autres aspects, le zen n’est pas encore arrivé en Europe: un maître zen japonais à qui l’on posait la question de l’acclimatation du Zen en Occident répondit: « les 100 premières années sont les plus dures ». C’est-à-dire: nous n’avons pas encore pleinement assimilé cet enseignement dans notre culture. Ce processus est long et prendra plusieurs générations.

A quoi ressemblera la graine du zen une fois pleinement poussée sur le sol occidental? Quelles formes prendra cette pratique? Comment pouvons nous nous inscrire, ici et maintenant, dans cette tradition, longue et vivante, tout en l’adaptant à notre quotidien? C’est à ces questions que ce site veut contribuer à répondre. Bien évidemment, ce ne sont que nos réponses et il n’est pas exclu que les questions soient plus importantes que les réponses. Nous adoptons délibérément une perspective large, car le sectarisme, d’où qu’il vienne, est rarement utile. Certes, nous nous inscrivons dans la tradition du Zen de Eihei Dōgen (1200-1253) mais ne sommes pas affiliés à aucune église, secte ou institution. Et nous éviterons soigneusement une vision par trop « dogen-centrique »: avant et après Dōgen Zenji, il s’est trouvé des voix importantes pour cette pratique et cette tradition dont il serait dommage de se priver. Nous prendrons notre miel là où nous le trouverons.

On l’aura compris, nos propos n’engagent que nous et ne sont autorisés par personne. Pour autant, tout ne se vaut pas et nous assumons sur ce site un certain nombre de présupposés:

-le zen n’est rien s’il n’est pas une pratique. Ce n’est pas un ensemble d’idée, un système philosophique ou une esthétique. Débattre d’idées abstraites ne nous intéresse guère. Le lecteur en quête d’un débat philosophique, ne trouvera rien à se mettre sous la dent ici. Certains posts -mais pas tous- seront ouverts à commentaires. Mais nous nous réservons le droit d’effacer ces commentaires ou de ne pas y répondre s’il ne nous apparaît pas qu’une réponse est utile à permettre l’éveil. Nous ne sommes pas en quête d’un espace de discussion mais de partage d’expériences pratiques et concrètes. La philosophie zen ne nous intéresse guère, quels que soient ses mérites et son intérêt par ailleurs.

-La pratique, tout en étant essentiellement centrée sur l’assise (zazen) ne saurait s’y réduire. Peut-on comprendre le zen uniquement par la pratique de zazen demanda-t-on un jour à feu Shunryu Suzuki Roshi. Sa réponse: « sans étude le risque est la confusion de l’esprit ». Une étude des textes seule sans pratique est faible. Une pratique sans l’éclairage de la tradition est aveugle. Donc, les textes que nous sélectionnons, traduirons et présentons ici ont comme horizon la pratique, jamais le savoir pour lui-même. Ou encore: tout en prêtant une grande attention à l’exactitude des références et la rigueur des traductions, nous ne sommes pas des universitaires. Si le lecteur plus savant que nous reconnaît des erreurs , nous lui serions obligés de bien vouloir nous les signaler. Nous les corrigerons aussi rapidement que possible. Lorsque nous ferons des choix de traduction ou d’édition, ce sera toujours dans la perspective de favoriser la pratique.

-l’enseignement des Bouddhas et des Patriarches doit être réalisé, dans notre propre vie. En cela, la pratique ici décrite est clairement l’enseignement du Bouddha, le dharma. C’est-à-dire que, tout en comprenant que nul n’est besoin d’être « bouddhiste » pour y trouver avantage et sans esprit de prosélytisme, nous nous inscrivons dans une tradition particulière, qui remonte au Bouddha Shakyamuni et s’est épanouie dans le cadre de ce que nous nommons, improprement, bouddhisme en Occident. Le nier nous semble un non-sens historique et dangereux, car cette tradition fournit des garde-fous utiles sur la Voie.

On trouvera ici:

-des textes et enseignements des Bouddhas et des Patriarches, ainsi que des enseignements de Maître contemporains, occidentaux ou asiatiques. Notre approche est de rendre accessible des textes que nous jugeons importants, sans autre critère que celui de savoir s’ils aident à réaliser sa vraie nature et s’éveiller dans cette vie.

-des enseignements et informations sur les pratiques du zen, qu’il s’agisse de l’assise en zazen, ou du vêtement de l’éveil, le kesa que nous abordons dans la lignée du Nyohō, ou la transmission conforme au Dharma redécouverte (recréée) par Jiun Sonja (1718_1804) et reprise par Kōdō Sawaki (1880-1965) ou des arts traditionnellement associés au zen.  Notre perspective étant marquée par nos propres centres d’intérêt et nos propres compétences, nous ne prétendons nullement à la maîtrise de tous ces arts ou même à porter un égal intérêt à toutes ces pratiques. 

-des éléments de réflexion sur la question de l’adaptation du zen en Occident, à travers des travaux d’universitaires ou d’experts lorsqu’ils peuvent permettre d’aller plus loin et de combiner un regard extérieur au regard du pratiquant. Nous aurons aussi recours à des entretiens avec des individus qui nous semblent apporter des voix différentes et intéressantes dans cette discussion. Mais citer tel ou tel ne signifie pas nécessairement le recommander et chacun est invité à trouver pour soi-même la voie et le lieu le plus propice. Nous ne sommes pas un annuaire du zen et ne visons pas à vous informer sur tel ou tel enseignant. Allez voir par vous même et faites-vous votre propre opinion est la réponse que nous apporterons à toutes les questions de ce genre. Evaluer la pratique des uns et des autres est un sport auquel nous ne nous livreront pas, sauf à s’imaginer capable de sonder les reins et les cœurs. Si nous avons connaissances d’éléments troublants, au delà des désaccords d’interprétation et dans la plus stricte transparence vis-à-vis de tous ceux impliqués, il pourra nous arriver de les rendre publics, car le dharma est chose trop précieuse pour laisser des comportement prédateurs s’en prévaloir.

-de l’humour, car « toujours sérieux n’est pas très sérieux » selon la formule d’Hampaté Bâ (1901-1991). C’est une proposition risquée, car l’humour des uns peut toujours potentiellement offenser les autres, mais la tradition zen abonde d’exemples d’humour et il y a à cela de bonnes raisons.