Dans une certaine région où je me rendis, les moines eux-mêmes parlaient du kesa comme d’un “vêtement austère”. D’où leur venait cette notion de “vêtement austère”, je l’ignore, mais cela faisait pitié de les voir se tromper ainsi. Bien sûr qu’habillé ainsi on ne peut pas aller manger un unadon ou rentrer dans un café. Alors, on peut bien l’appeler “austère” si l’on veut, mais c’est pourtant l’un des mérites du kesa.
On raconte que, lorsque le Bouddha prononçait la phrase: “Bienvenue, moine ! ”, les cheveux de la personne tombaient au sol et son corps était recouvert d’un kesa. C’était de cette manière que l’on s’exprimait, au temps du Bouddha, quand quelqu’un recevait les préceptes bouddhistes. Lorsque cette phrase “Bienvenue, moine ! ” était prononcée par le Bouddha, les cheveux de ceux qui recevaient l’ordination tombaient en pluie devant eux et ils devenaient moines, leurs vêtements ordinaires se transformaient en kesa. Bien que cela ressemble à un tour de magie, si l’on réfléchit à la véritable signification de cette scène, notre esprit et notre corps en sont bouleversés.
Est-ce que l’on travaille pour manger ? Est-ce que l’on mange pour travailler ? Même une fois devenu moine, notre vie entière, la réponse à cette question est loin d’être évidente. C’est parce que l’on ne s’est pas accoutumé au kesa. En étudiant le kesa, nous pouvons étudier notre coeur, en étudiant le kesa, nous pouvons étudier notre corps. Et puis, ce kesa obtenu par le moine quand étaient prononcées les paroles “Bienvenue, moine !”, comment était-il ? En soie ? En ramie ? En brocard d’or ? De couleur terreuse ? bleue ? noire ? Ou pas ! Quoiqu’il en soit, ce kesa devait être au-delà des aspect matériels.
Maître Dôgen dit , dans le kesa kudoku (‘Les mérites du kesa’): ”Le kesa qui recouvre le corps du moine qui vient de recevoir les préceptes n’est pas nécessairement en soie ou en coton. L’influence du Bouddha est difficile à évaluer. ” Donc, le kesa est au-delà de la forme, car l’enseignement du Bouddha est mystérieux.
On dit aussi au sujet du kesa transmis : “Maitreya cinquante mètres, Shakyamuni cinq mètres”. Ce qui signifie: au moment où le Bouddha Maitreya revêt le kesa du Bouddha Shakyamuni, il n’est ni court ni étroit. C’est à dire que lorsque le Bouddha revêt le kesa, celui-ci n’est ni long ni étroit, et que lorsque Maitreya revêt le kesa, celui-ci n’est ni long ni étroit. C’est pourquoi, n’ayant pas de longueur fixée, le kesa est en réalité le vêtement sans forme.
Par exemple, s’il y a transmission de personne à personne, c’est-à-dire si la communication s’établit intimement ‘de mon âme à ton âme’, alors, même si les personnalités et les circonstances sont différentes, la voie, elle, ne fait plus qu’une.
Ainsi, lorsqu’il y a transmission entre quelqu’un de rustique comme Socrate par exemple et un noble comme Platon, cette voie devient plus vaste. Lorsqu’il y a transmission entre la voie noble et la voie pauvre, entre la voie pauvre et la voie riche, entre la voie de l’homme et celle de la femme, il n’y a plus qu’une voie.
Lorsque nous étions jeunes moines, lors des ordinations, il y avait une offrande d’un gâteau de riz plus grand même que la statue du Bouddha, suivie de trois prosternations. Je regardais cela d’un oeil méfiant, et pourtant, c’était là une manifestation de “Kesa et Dharma sont inséparables”.
Bien que le kesa soit, de toutes nos possessions, la plus précieuse, il faut que ce kesa tangible, concret, devienne le kesa sans forme, intangible. Mais aussi que ce qui habite ce kesa sans forme investisse le kesa tangible. Au final, le kesa matériel et le kesa au-delà de la forme doivent devenir inséparables.
Si l’on va prier au Temple d’Ise, ses amulettes sont sacrées.