
Ce texte est le troisième du court recueil d’enseignements de Maître Sawaki intitulé « Il suffit de s’assoir »
Un jour, Maître Isan 1Maître Isan (為山) : Isan est un maître zen chinois ayant vécu durant la période de la dynastie Tang (618-907). Il est principalement connu pour ses enseignements de la tradition Chan (Zen) et a exercé une grande influence sur la transmission du Dharma en Chine. Sa relation avec son disciple Kyōgen est célèbre pour cette question qu’il lui posa ; Isan est un exemple clé des maîtres du Chan ayant marqué l’histoire du zen. demanda à son disciple Kyōgen (香厳) : « Rapporte-moi une parole d’avant la naissance de tes parents. » Autrement dit, il l’invitait à parler depuis un état au-delà même du sens de soi façonné par la naissance.
Kyōgen était un grand érudit. Pourtant, face à la question posée par son maître, il fut incapable de répondre. Finalement, il brula tous les nombreux livres qu’il possédait. Il construisit ensuite une humble cabane près d’un temple dédié à Daishō Kokushi sur le mont Taï 2Le mont Taï (泰山), situé dans la province du Shandong en Chine, est l’une des cinq montagnes sacrées du taoïsme et un lieu de pèlerinage majeur pour plusieurs traditions spirituelles, dont le bouddhisme. Sa symbolique dépasse les frontières des croyances : il représente l’unité entre le ciel, la terre et l’humanité. Les nombreuses inscriptions et monuments bouddhistes gravés sur ses flancs témoignent de son rôle central dans la diffusion et la pratique du dharma en Chine., et y vécu, pensant : « Comme il est difficile d’atteindre l’éveil dans cette vie ! »
Un jour, alors qu’il balayait le chemin, un caillou, projeté par son balai, heurta un bambou avec un bruit sec, « Katchin ! » Éveillé soudainement, il s’exclama : « D’un coup, tout mon savoir, anéanti ! »
C’est l’essence de la religion, et dans toutes les sectes, mais particulièrement dans le Shinshū, les Myōkōnin 3Myōkōnin (妙好人) est un terme issu du bouddhisme de la Terre Pure japonais (Jōdo Shinshū), qui désigne des « personnes merveilleuses et excellentes » – des pratiquants laïcs qui incarnaient une foi profonde et une sagesse spirituelle dans leur vie quotidienne ordinaire. Les caractéristiques principales des Myōkōnin comprennent :
Un enseignement transmis à travers leurs actions et leurs paroles simples plutôt que par la doctrine formelle, avec une sincérité totale, écoutent avec dévotion le Dharma pour abandonner tout calcul (hakarai).
Une foi simple et sincère en Bouddha Amida
Une profonde humilité
Une vie ordinaire tout en exprimant de profondes vérités bouddhistes
Des origines souvent modestes (paysans, marchands, etc.) récitent ceci :
« Namu » est comme lorsqu’une personne sourde essaie de tendre l’oreille mais se rend compte qu’elle ne peut pas entendre.
« Namu » est comme un mendiant persistant qui vous suit sans cesse, peu importe combien de fois vous tentez de vous en débarrasser, et qui disparaît soudainement sans laisser de trace.
Cela signifie : Comme un mendiant, peu importe combien de zazen vous pratiquez, il y a toujours un « moi » qui émerge en disant « J’ai fait zazen », « J’ai pratiqué », « J’ai atteint l’éveil ». Par conséquent, c’est comme si ce mendiant persistant, qui continuait de vous suivre malgré vos tentatives pour le repousser, disparaissait soudainement sans laisser de trace. En d’autres termes, la nature du mendiant (attachement au soi) a disparu.
Ainsi, le Dharma ne consiste pas à atteindre l’éveil, mais à oublier ce que l’on possède. C’est là, là où l’on abandonne toute connaissance et tout attachement que le Dharma se manifeste.
Un homme est en paix lorsqu’il oublie qu’il est un homme.
Une femme est en paix lorsqu’elle oublie qu’elle est une femme.
Les riches sont en paix lorsqu’ils oublient leur richesse.
Les pauvres sont en paix lorsqu’ils oublient leur pauvreté.
Un moine est en paix lorsqu’il oublie sa nature de moine.
Une vieille femme devrait oublier sa nature de vieille femme.
Un vieil homme devrait oublier sa nature de vieil homme.
Une jeune femme devrait oublier sa nature de jeune femme.
Toute connaissance accumulée devrait être complètement oubliée.
Dans le bouddhisme, il n’y a pas seulement absence d’opposition entre les idées, mais il n’y a pas non plus de conflit entre l’homme et la femme. Par conséquent, peu importe ce que l’homme est, ce que la femme est, ce que le riche est, ce que le pauvre est. Tout comme les bébés dans le ventre ne sont pas en conflit les uns avec les autres, il n’y a pas d’argument ni de lutte. C’est pourquoi le Bouddha dit : ‘Rapporte une parole d’avant la naissance de tes parents’ À ce moment-là, il n’y a plus d’excuses, plus d’arguments.
En somme, la pratique du bouddhisme consiste à réduire son égo.
Il y avait un moine nommé Zhaozhou (趙州) 4Zhaozhou (趙州) : Connu sous le nom de Maître Jōshū en japonais, Zhaozhou Congshen (778-897) est une figure majeure du bouddhisme chan (zen) en Chine, célèbre pour ses enseignements simples et directs.qui commença sa pratique spirituelle à soixante ans, et il suivit le maître Nanquan (南泉)5Nanquan (南泉) : Maître chinois Nanquan Puyuan (748-835), figure clé du bouddhisme chan, connu pour ses réponses souvent paradoxales ou provocantes à ses disciples. jusqu’à ses quatre-vingts ans. Il commença à prêcher le Dharma à partir de quatre-vingts ans et continua pendant quarante ans jusqu’à l’âge de cent vingt ans. Comme on disait autrefois : « À quarante ou cinquante ans, on n’est qu’un gamin au nez qui coule, c’est à quatre-vingts ans qu’un homme est dans la fleur de l’âge. » Zhaozhou a commencé à prêcher après avoir atteint cent ans 6Incohérence des dates : Sawaki Roshi mentionne d’abord que Zhaozhou commence à enseigner à quatre-vingts ans, puis plus loin qu’il commença après avoir atteint cent ans. Historiquement, les archives indiquent que Zhaozhou a vécu jusqu’à 120 ans (ou environ), mais il n’y a pas de consensus clair sur le moment exact où il aurait commencé à enseigner. Cette incohérence peut refléter une tradition orale ou une exagération destinée à souligner l’importance de l’expérience et de la maturité dans le bouddhisme ou juste une erreur dans la prise de notes..
Alors, un moine demanda à Zhaozhou : « Qu’en est-il de la lune quand elle brille dans le ciel ? » (faisant référence à la lune qui brillait magnifiquement)
Zhaozhou répondit :« Tu es encore en bas de l’échelle. » (tu es encore à un niveau inférieur de compréhension)
Le moine insista : « Je vous en prie, aidez-moi à atteindre le haut de l’escalier ! »(aider-moi à atteindre à un niveau supérieur de compréhension !)
Zhaozhou répondit alors : « Il n’est pas nécessaire de t’encombrer de pensées inutiles. La vérité remplit déjà tout le ciel et toute la terre. »
Il poursuivit :
« La lune descend vers toi pour te rencontrer. Quand as-tu jamais été séparé de la lune ? »
C’est un principe extrêmement subtil. Si l’on retourne la lumière vers soi-même (kaikō henshō, 回光返照) pour se contempler, ce que l’on trouve, c’est précisément le merveilleux Dharma que chacun possède. Même une crevette qui bondit ne peut sortir de la nasse du pécheur, (c’est à dire que l’on peut jamais sortir du filet du Dharma. Peu importe comment on agit, il est impossible de s’éloigner de la Loi.)
Beaucoup de gens se disent : « Je ne vaux rien. » Mais cela revient à se blesser soi-même. Peu importe où l’on est ou comment on vit, ce qui est présent ici et maintenant est la véritable nature des phénomènes (shohō jissō, 諸法実相). Dans le Jōdo Shinshū, on appelle cela heizei goshō (平生業成) : ce n’est ni devenir Bouddha ni abandonner sa condition de simple mortel. C’est une continuité ininterrompue, ici et maintenant, qui est en soi la lumière du Tathāgata.
Pour exprimer cela, il existe différentes approches. Réciter le nembutsu (Namu Amida Butsu, 南無阿弥陀仏) en est une. Hōnen Shōnin 7Hōnen Shōnin (法然聖人) : Maître bouddhiste japonais du XIIe siècle, fondateur de l’école Jōdo (Pure Land). Hōnen est connu pour sa pratique du nembutsu, qui consiste à répéter le nom d’Amida Bouddha (Namu Amida Butsu) comme un moyen de réaliser la réincarnation dans la Terre Pure d’Amida. Il a joué un rôle majeur dans la démocratisation de la pratique bouddhiste au Japon, rendant l’enseignement accessible à tous, indépendamment de leur niveau d’éducation ou de leur statut social. disait : « Namu Amida Butsu est mon propre nom. »
Dans la Jōdo Shinshū 8Jōdo Shinshū (浄土真宗) : École du bouddhisme japonais fondée par Shinran (親鸞), l’un des principaux disciples de Hōnen. Jōdo Shinshū, également connue sous le nom de « Vraie école de la Terre Pure », met l’accent sur la foi en Amida Bouddha et sur la récitation du nembutsu (Namu Amida Butsu) comme moyen d’atteindre la Terre Pure. Contrairement à d’autres écoles, elle enseigne que l’effort individuel pour atteindre l’illumination n’est pas aussi important que la dépendance totale à la grâce d’Amida Bouddha. Shinran a insisté sur le fait que même ceux qui ne peuvent pas accomplir des pratiques austères peuvent être sauvés par la simple foi en Amida, un principe profondément inclusif., on trouve au temple Hōon-ji 9Hōon-ji (報恩寺) : Temple bouddhiste situé à Asakusa, Tokyo, au Japon, associé à l’école Jōdo Shinshū. Ce temple est particulièrement célèbre pour sa connexion avec Shinran, le fondateur de l’école Jōdo Shinshū. Hōon-ji a joué un rôle important dans la propagation des enseignements de Shinran et dans la pratique du nembutsu (récitation de « Namu Amida Butsu ») comme voie de salut. Le nom Hōon-ji peut être traduit par « Temple de la gratitude » ou « Temple de la reconnaissance », reflétant la focalisation de l’école sur l’expression de la gratitude envers Amida Bouddha pour sa promesse de salut., à Asakusa, une statue de Shinran Shōnin 10Shinran Shōnin (親鸞聖人) : Maître bouddhiste japonais et le fondateur de l’école Jōdo Shinshū (真宗), l’une des principales écoles du bouddhisme de la Terre Pure. Né en 1173 et décédé en 1263, Shinran a dédié sa vie à enseigner la pratique du nembutsu (récitation de « Namu Amida Butsu ») comme voie d’accès à la rédemption, insistant sur la simplicité et l’accessibilité du Dharma pour tous, indépendamment de leur statut social ou de leurs mérites personnels. Contrairement à d’autres traditions bouddhistes qui mettent l’accent sur la pratique de la méditation ou des rituels complexes, Shinran a enseigné que la foi en Amida Bouddha et la récitation sincère de son nom suffisent pour atteindre la délivrance. Son influence a façonné profondément le bouddhisme japonais, et son œuvre est toujours largement pratiquée aujourd’hui. assis en méditation avec un kesa. Dans la tradition de Nichiren, il est dit que Nichiren Shōnin 11Nichiren Shōnin (日蓮聖人) : Maître bouddhiste japonais et le fondateur de l’école Nichiren (日蓮宗), née au XIIIe siècle. Né en 1222 et décédé en 1282, Nichiren a développé une vision radicale du bouddhisme, insistant sur la centralité du Sūtra du Lotus (Lotus Sutra, 法華経, Hokke Kyō) comme enseignement ultime et universel. Selon lui, ce texte est la manifestation la plus pure de la vérité bouddhiste, et la récitation de son titre, « Nam-myoho-renge-kyo » (南無妙法蓮華経), est la pratique salvifique principale. Nichiren a également mis l’accent sur l’importance de l’engagement social et de la lutte contre les influences extérieures qui, selon lui, déformaient l’enseignement bouddhiste authentique. Son approche a engendré une forte tradition de dévotion et de persévérance face aux persécutions, et son école continue de prospérer à travers de nombreuses branches et groupes dans le monde entier.a servi comme cuisinier (tenzo, 典座)12Le Tenzo, ou cuisinier en chef d’un monastère, occupe une place essentielle dans la tradition bouddhiste, en particulier dans le zen. Plus qu’un simple responsable des repas, le Tenzo incarne la pratique du dharma dans les gestes quotidiens, transformant la préparation de la nourriture en un acte de méditation et de service désintéressé. au temple Kenchō-ji 13Kenchō-ji (建長寺) : Temple zen situé à Kamakura, au Japon, fondé en 1253 par le moine chinois Lanxi Daolong (蘭渓道隆). Il est le plus ancien temple zen de la secte Rinzai au Japon. Le temple a été établi sous les auspices du shogunat Kamakura pour promouvoir le bouddhisme zen dans la région et reste un centre majeur pour la pratique du zen. Le nom Kenchō-ji signifie « Temple de l’enseignement de la discipline », et il est reconnu non seulement pour son histoire, mais aussi pour son impact culturel et spirituel. Le temple abrite un certain nombre de bâtiments historiques, dont une salle principale et un jardin qui sont des exemples remarquables de l’architecture zen..
Ainsi, quiconque possède une vision pénétrante (isseki gan, 一隻眼) touche au Zen.
Le maître Hoshi 14Seng Zhao (僧肇, 384-414), également connu sous le nom de Zhao Hoshi (肇法師), fut l’un des premiers philosophes bouddhistes chinois majeurs. Disciple clé de Kumarajiva, il a contribué à la traduction de textes bouddhistes fondamentaux et a rédigé plusieurs traités influents, notamment Zhao Lun (Les traités de Seng Zhao).
La célèbre phrase « 天地とわれと同根、万物とわれと一体 » (Le Ciel et la Terre partagent la même racine avec moi, et toutes les choses forment un seul corps avec moi), bien que souvent attribuée à Seng Zhao, est une interprétation japonaise de ses concepts philosophiques. Son œuvre a profondément marqué le bouddhisme chinois. disait : « Le ciel, la terre et moi partageons la même racine ; toutes les choses et moi sommes un. »
Un maître d’arts martiaux, ayant étudié auprès du moine Torahaku du temple Kichijō-ji à Komagome 15Kichijō-ji à Komagome (吉祥寺) est un temple bouddhiste situé dans le quartier de Bunkyo, à Tokyo, ce temple fait également partie de l’école Tendai du bouddhisme Mahāyāna. Le nom « Kichijō-ji » signifie « temple de la bénédiction », et le temple est connu pour ses sculptures religieuses et ses objets spirituels. Bien que ne figurant pas parmi les temples les plus célèbres, il reste un lieu de culte important dans la région et attire les pratiquants de bouddhisme, notamment du zen, qui partagent parfois des influences avec l’école Tendai., développa une technique appelée Unkō-ryū. Il disait : « Ni victoire, ni défaite. » Avec cette méthode, on combattait sans armure, sans arme, avançant de trois pas et demi pieds nus, pour ensuite s’élancer avec un cri puissant, « Buhaa ! » . Cette méthode incarne également le principe : « Ni victoire, ni défaite. »
Le ciel, la terre et moi partageons la même racine ; toutes les choses forment un seul corps avec moi.
Sawaki Kōdō