Pratiquez sans esprit de profit

Kōdō Sawaki et ses étudiants

Et pourtant, pendant que je voyageais à travers le pays avec mon bol de mendiant, les laïcs ont commencé à pratiquer zazen, et les moines ont commencé à les imiter.

Ce texte est le sixième du petit recueil d’enseignements « Il suffit de s’assoir » de Maître Sawaki. Le titre exact pourrait être traduit par : Ne faites pas de la pratique un outil d’ascension sociale. Bien que centré sur l’authenticité de la pratique du zen, il s’inscrit également dans un contexte historique particulier. Sawaki critique sans détour les effets de l’ère Meiji, marquée par un anti-bouddhisme virulent, qui a cherché à rationaliser et à ‘réformer’ le bouddhisme pour l’adapter aux idéaux modernes et politiques de l’époque. À travers ce discours, il nous rappelle que la pratique de zazen ne doit pas être dévoyée au service d’ambitions sociales ou politiques, comme cela a été tenté dans un contexte où le bouddhisme était souvent réduit à une simple institution à gérer et à exploiter. En ce sens, Sawaki nous invite à revenir à l’essence pure du zen, loin de toute instrumentalisation, et à pratiquer ‘sans esprit de profit’.

Dans le Sōtō 1 Sōtō (曹洞宗) L’une des principales écoles du bouddhisme Zen au Japon, fondée par Dōgen (1200-1253). Elle met l’accent sur la pratique de zazen (méditation assise) comme voie centrale vers l’éveil., nous mettons l’accent sur la pratique (le zazen) et sur le fait de pratiquer avec tout son être.
Dans le Rinzai 2Rinzai(臨済宗) Une autre école du Zen, introduite au Japon par Eisai (1141-1215). Elle est connue pour son utilisation des kōan, des énigmes ou questions paradoxales, comme méthode d’entraînement à l’éveil., ils disent ‘écarter l’herbe pour chercher l’ultime’ et sont trop attachés au kenshō 3Kenshō (見性) : Terme zen signifiant « voir sa vraie nature ». Dans l’école Rinzai, il désigne une expérience initiale d’éveil, à approfondir par une pratique continue..

Pourtant, de nos jours, l’école Sōtō a mis l’accent sur les études académiques et néglige zazen. C’est une corruption récente. Ils ne parlent que d’illumination originelle mais ont oublié la merveilleuse pratique. En faisant cela, ils sont devenus très semblables à la secte Shin 4Shin (真宗) Le Jōdo Shinshū, ou École de la Terre Pure Vraie, fondée par Shinran (1173-1263). Cette école met l’accent sur la foi dans le pouvoir salvateur d’Amida Buddha, à travers la récitation du nembutsu (南無阿弥陀仏). .

Ce n’est pas du tout l’enseignement de Maître Dōgen 5Dōgen (道元) : Fondateur de l’école Sōtō au Japon (1200-1253). Philosophe et maître zen, il a insisté sur la pratique de zazen comme expression directe de l’éveil. Son œuvre majeure, le Shōbōgenzō, explore en profondeur les enseignements bouddhiques. ! Tout ça, c’est à cause des systèmes établis au début de l’ère Meiji 6Meiji (明治) : Période de l’histoire japonaise (1868-1912) marquée par une modernisation rapide et une ouverture au monde après des siècles d’isolement. Sous l’empereur Meiji, des réformes profondes ont transformé la société, notamment la séparation forcée du bouddhisme et du shintoïsme (haibutsu kishaku). Cette politique visait à affirmer l’influence du shintoïsme, considéré comme la religion d’État, et à limiter celle du bouddhisme. Des lois anti-bouddhistes ont été mises en place, entraînant la destruction de temples, la saisie de biens monastiques et la persécution des moines. Des milliers de temples ont été fermés ou démolis, et de nombreux moines ont été contraints d’abandonner leurs fonctions ou d’abjurer leur foi. Ces mesures ont eu un impact dévastateur sur le bouddhisme au Japon, le réduisant à une forme marginale pendant cette période. pour résister aux lois anti-bouddhistes 7Haibutsu kishaku (廃仏毀釈) : Mouvement de persécution du bouddhisme pendant les débuts de l’ère Meiji, lorsque l’État a favorisé le shintoïsme..

Dans le Rinzai, bien que l’école soit petite et manque de pouvoir, ils ont recommencé à se raser la tête et à pratiquer zazen, considérant zazen comme la pratique la plus importante. Ils respectent ceux qu’on appelle les maîtres, qui ont résolu des centaines de koans 8Kōan (公案) : Terme utilisé dans le zen, désignant un problème ou une question paradoxale donnée aux pratiquants pour provoquer une rupture de la pensée conceptuelle et stimuler l’éveil. Les kōans sont souvent des dialogues entre maître et élève, où le but n’est pas d’obtenir une réponse logique, mais de transcender l’intellect et d’atteindre une compréhension directe de la vérité. Les kōans sont utilisés principalement dans les traditions Rinzai (aussi parfois dans le Sōtō). Ils ont décidé que peu importe le niveau d’érudition d’une personne, ils ne la laisseront pas diriger un temple à moins qu’elle n’ait passé trois ans comme unsui 9Unsui (雲水) Terme japonais qui désigne un moine zen errant, littéralement « nuage et eau ». Ce terme exprime l’idée de la vie errante, fluide et sans attachement d’un moine qui, dans la tradition zen, se déplace d’un monastère à l’autre pour pratiquer, étudier et recevoir des enseignements. Le mot met en évidence l’humilité, le détachement et la liberté.Le terme peut également se rapporter à la position de novice dans le monastère zen, un aspirant à la pratique de l’enseignement..

Cependant, dans le Sōtō, ils ont décidé que zazen à lui seul ne satisferait pas l’homme contemporain, et que tout devait être académique, alors ils ont envoyé leurs étudiants les plus brillants étudier à l’étranger. En bref, ils ont maladroitement imité la secte Shin. Parmi ceux envoyés à l’étranger par la secte Shin, Nanjō Bunyū 10Nanjō Bunyū (南条文雄) était un moine zen japonais et un érudit de la période Meiji. Né en 1849, il est surtout connu pour ses études sur le bouddhisme zen et pour avoir été une figure clé dans les échanges entre le Japon et l’Occident concernant le bouddhisme. Nanjō Bunyū a étudié à l’université de Tokyo et a aussi effectué des voyages à l’étranger, où il a joué un rôle important dans la diffusion de la pensée zen en Occident. Il est souvent cité pour avoir introduit certaines idées du zen japonais dans un contexte plus académique et occidental, mais il est aussi critiqué par certains pour avoir fait preuve d’une certaine dévotion à l’approche plus institutionnelle du bouddhisme, par rapport à la pratique de zazen qui est au cœur du zen traditionnel. Sa démarche n’était pas exempte d’influences occidentales. En réponse aux réformes de la période Meiji et aux pressions pour moderniser le bouddhisme, le zen a adopté des éléments de structure hiérarchique et d’organisation formelle, similaires à ceux observés dans le christianisme. Paradoxalement, ce zen réorganisé à l’occidental au XIXe siècle a ensuite été celui que les Occidentaux ont découvert au XXe siècle et avec lequel ils se sont senti des affinités… était influent à cette époque. Quand on y repense aujourd’hui… Ce n’était qu’un moine avec une pratique faible… Mais l’école Sōtō a imité cette approche, bien qu’il soit établi que le Zen est une transmission spéciale en dehors des écritures et que la pratique y soit primordiale : les administrateurs, passés et présents, sont tous des imposteurs, et les moines-politiciens sont surtout habiles à augmenter le nombres de leurs relations et à créer des factions.

La vérité, c’est que tout le monde déteste zazen.

En disant ‘Je déteste cette posture qui fait mal aux jambes ! ‘, ils ont créé le ‘Shushōgi11Le Shushōgi a été compilé et publié par la Sōtō-shū au début de la période Meiji, en 1885. Ce texte a été rassemblé à partir des enseignements de Dōgen, mais sa sélection et son arrangement ont été orientés pour correspondre aux besoins et aux pratiques des moines de l’époque, particulièrement dans un contexte de réorganisation du clergé bouddhiste sous l’influence de l’État japonais. Ce processus a visé à rendre les enseignements de Dōgen plus accessibles et compatibles avec les structures administratives et monastiques qui commençaient à se renforcer sous la direction de l’État.– c’est très pratique. Stimulés par la façon dont la secte Shin nous critiquait souvent en disant :

‘Notre paix intérieure vient du Bouddha Amida 12Bouddha Amida, ou Amitābha en sanskrit, est une figure centrale du bouddhisme de la Terre Pure (Jōdo-shū et Jōdo Shinshū), une des écoles les plus influentes du bouddhisme au Japon. Amida est un bouddha de la lumière infinie et de la vie infinie. Selon la tradition, Amida a juré de permettre à tous les êtres qui récitent son nom sincèrement (le nembutsu, « Namu Amida Butsu ») de renaître dans sa Terre Pure, un paradis où il est plus facile d’atteindre l’éveil. , d’où vient la vôtre ?’

ils ont fabriqué quelque chose qui copie le Shōshinge 13Shōshinge (正信偈) :
Le Shōshinge est un hymne important dans la tradition de la Terre Pure, écrit par le maître Hōnen, fondateur de l’école Jōdo-shū au Japon. Ce texte est une prière d’expression de foi et de confiance dans le Bouddha Amida. Il résume la croyance centrale de cette école selon laquelle la récitation du nom d’Amida, Namu Amida Butsu (南無阿弥陀仏), est suffisante pour être sauvé et renaître dans la Terre Pure d’Amida.
Ce texte reflète l’idée que la simple dévotion et foi en Amida, plus que la pratique méditative ou les efforts individuels, sont le moyen principal d’atteindre le salut.
et le Wasan 14Wasan (和讃) :
Les Wasan sont des poèmes liturgiques utilisés dans les services religieux, souvent chantés ou récités, qui expriment la dévotion envers le Bouddha Amida et l’enseignement de la Terre Pure. Les Wasan font partie intégrante des prières et rituels dans l’école du bouddhisme de la Terre Pure. Ils peuvent inclure des louanges au Bouddha, des exhortations à la pratique du nembutsu, et des expressions de gratitude pour la compassion infinie d’Amida.
de la secte Shin.

Le Shushōgi a été fabriqué par Ōuchi Seiran 15Ōuchi Seiran (大内青巖) était un érudit bouddhiste du 19ème siècle, qui a vécu pendant les bouleversements de l’ère Meiji. Tandis que le Japon se modernisait et que la répression anti-bouddhiste frappait durement, Seiran a cherché à maintenir le zen dans un cadre traditionnel. Toutefois, certains voient son travail comme un compromis, cherchant à préserver l’institution du zen à tout prix, au détriment de la profondeur et de la sincérité spirituelle. Il a tenté d’adapter les enseignements du zen aux nouvelles réalités politiques et sociales, mais à une époque où le zen, selon des maîtres comme Kodo Sawaki, était en train de perdre son essence en devenant un instrument d’ascension sociale ou de survie institutionnelle. Ainsi, Ōuchi pourrait être perçu comme un représentant d’une forme de zen devenu un « outil » dans un contexte où la pratique authentique était mise de côté. du journal Fusō 16Le Fusō (扶桑) était un journal japonais fondé au début de l’ère Meiji. Il est devenu un point de ralliement pour les intellectuels et réformistes bouddhistes qui cherchaient à adapter le bouddhisme aux nouvelles réalités politiques et sociales du Japon. Le journal a joué un rôle important dans la diffusion des idées modernistes au sein du bouddhisme japonais, mais a également été critiqué pour avoir contribué à une forme de bouddhisme « déformé », s’éloignant des enseignements traditionnels pour devenir un outil de propagation de valeurs nationalistes et politiques. Dans le contexte de l’ère Meiji, lorsque le bouddhisme était sous attaque, des figures comme Kodo Sawaki ont vu ces adaptations comme des compromissions avec l’essence véritable de la pratique spirituelle. L’influence de journaux comme le Fusō a contribué à une vision de plus en plus institutionnalisée et politisée du bouddhisme, ce que Sawaki a rejeté dans ses critiques. , il a compilé des textes du Shōbōgenzō et il a décidé que ce serait cela l’expression de la foi dans l’école Sōtō. Ōuchi Seiran était un homme qui n’aimait pas être moine et il est retourné à la vie laïque : Voilà le genre d’homme qui a créé le Shushōgi.

Il y a bien un chapitre qui s’appelle : « La Pratique, le Maintien et la Gratitude », mais il ne mentionne pas du tout zazen. L’intention était d’empêcher les laïcs de pratiquer zazen. Et sans qu’on s’en aperçoive, les gens en sont venus à penser que le Sōtō n’avait pas de zazen. Itō Dōkai 17Itō Dōkai (1860-1927) fut une figure clé de la modernisation du bouddhisme au Japon, particulièrement au sein de l’école Sōtō. Bien qu’il soit souvent perçu comme un réformateur influencé par les besoins politiques et sociaux de l’époque, Kodo Sawaki, tout en critiquant certains aspects de ses réformes, reconnaît en lui une volonté sincère de préserver l’essence du bouddhisme tout en le rendant pertinent dans un contexte de changement rapide. Dōkai a joué un rôle important dans la restructuration du bouddhisme pour le rendre plus adapté aux défis contemporains, notamment en matière d’organisation et de diffusion. Cependant, Sawaki critique la tendance de Dōkai à adapter le bouddhisme à des impératifs extérieurs, ce qui, selon lui, risque de diluer sa pureté spirituelle. Dans cette optique, Sawaki déplore la perte de la véritable pratique du zen, la transformation de la méditation en simple outil de réussite ou d’amélioration sociale. En somme, bien que Sawaki reconnaisse les efforts et la sincérité de Dōkai, il reste critique quant aux compromis effectués, tout en soulignant que ses intentions n’étaient pas mauvaises. Dōkai reste une figure ambiguë, dont les actions ont façonné une partie de l’histoire du bouddhisme moderne, mais qui, selon Sawaki, n’a pas su éviter les dérives de la modernité. de Sōjiji 18Sōjiji : L’un des deux temples majeurs de l’école Sōtō avec Eiheiji, fondé en 1328 par Keizan Jokin, dans la région de Kanagawa. disait : ‘Ceux qui étudiaient le zen (à l’Université de Komazawa 19Université de Komazawa : Fondée en 1592, l’Université de Komazawa est une institution d’enseignement supérieur privée située à Tokyo, affiliée à l’école Sōtō du bouddhisme zen. L’université a été créée à l’origine comme un institut bouddhiste destiné à former des moines et des pratiquants dans l’esprit de l’enseignement de Dōgen. Aujourd’hui, elle est un lieu académique reconnu, bien que certaines critiques, comme celles de Sawaki Kodo, soulignent que l’accent mis sur l’éducation laïque et la bureaucratie universitaire a éloigné l’institution de son objectif spirituel original. ) ne savaient même pas comment adopter la posture juste sur leur zafu).’

Et pourtant, pendant que je voyageais à travers le pays avec mon bol de mendiant, les laïcs ont commencé à pratiquer zazen, et les moines ont commencé à les imiter. La pratique de zazen a commencé dans des endroits inattendus comme le Ministère de l’Éducation ou encore le Département de la Police Métropolitaine. En voyant cela, les moines ont senti qu’eux aussi devaient venir participer au zazen. Miyajima Hōshū 20Miyajima Hōshū (1890-1958) était un maître zen influent dans le bouddhisme japonais moderne. Prêtre de l’école Sōtō, il s’est distingué par son engagement envers la pratique du zazen et ses efforts pour revitaliser cette pratique durant le début et le milieu du 20e siècle. Il a joué un rôle clé dans la promotion du zazen auprès des laïcs, s’inscrivant dans un mouvement visant à revenir à l’accent fondamental mis sur le zazen, comme le mentionne Kōdō Sawaki dans le texte. Miyajima Hōshū a enseigné dans la région du Kantō et a dirigé plusieurs temples, transmettant son enseignement avec simplicité et profondeur. lui, vivait pour le Zen. Littéralement, le Zen était devenu son ‘riz’ (sa nourriture essentielle).

Les passages cités dans ce livre (Shushōgi) sont, étonnamment, des textes Sōtō. En réalité, ce que fait l’école Rinzai, c’est du théâtre… Bien sûr, ils pratiquent, mais ils exhibent cette pratique aux yeux du monde. Cela n’atteint pas le corps-esprit (shinjin). Les pratiquants les plus anciens sont rusés, ils ne méritent même pas qu’on parle d’eux. Seuls les nouveaux venus souffrent, ne comprenant pas encore dans quel enfer ils se trouvent. Mais dans le Sōtō, alors qu’ils parlent de la ‘noble conduite’ (igi) comme étant la pratique du Bouddha (gyōbutsu), ironiquement, ils n’ont même pas pratiqué zazen.

Maître Dōgen a dit « Il ne faut pas pratiquer la voie avec un esprit avide » Et pourtant, toutes les écoles (à l’exception de la secte Jōdo Shinshū de la Terre Pure) pratiquent des rituels de prière.

La plupart des gens considèrent ces rituels comme des techniques secrètes pour réussir dans la vie. Il y a des femmes qui envoient leurs maris me voir. Elles croient que cela rendra leurs maris plus dociles, plus attentionnés, et que l’atmosphère à la maison deviendra plus douce.

Mais ce n’est pas ça le bouddhisme!

L’être humain est animé par un désir insatiable et ne trouve jamais de satisfaction, peu importe jusqu’où il va. Personne ne peut vraiment dire qu’il est totalement satisfait.

Même dans la mort, on n’est pas satisfait.
Même avec de l’argent, on n’est pas satisfait.

Ce désir constant d’être satisfait, c’est ce qui caractérise le monde des êtres ordinaires. Il y a des obsédés du pouvoir, des obsédés de la beauté, des obsédés de tout et n’importe quoi.

Durant l’ère Meiji, il y avait un homme 21Kōdō Sawaki semble faire ici référence à Shimoyama Osuke 下山応助. obsédé par l’idée de devenir le supérieur d’un temple, il etait devenu moine dans ce seul but. À 90 ans, il a tenté de devenir supérieur de Eiheiji, mais comme il avait échoué, il a renoncé à la vie monastique et est devenu chef… d’une autre religion ! Le culte d’Ontake! 22Le culte shintoïste d’Ontake est centré sur le mont Ontake, vénéré comme une divinité dans la tradition shintoïste. Ce mont est un lieu de pèlerinage important, où les pratiquants croient que des bénédictions spirituelles et matérielles peuvent être reçues des divinités résidant sur la montagne. Le culte est lié à des rites animistes et spirituels, en contraste avec les pratiques bouddhistes, et a pu attirer certains individus qui ont quitté le bouddhisme pour s’y engager.. Je connais aussi, de première main, l’histoire de quelqu’un qui voulait absolument devenir un « grand maître Zen ». Il a dépensé la somme colossale pour l’époque de 250 000 yens dans sa quête. Celui qui a échoué a dépensé cet argent, mais celui qui a réussi aussi. Tout cela pour satisfaire leur ambition.

Pourtant, un moine devrait, par nature, renoncer à la quête de la gloire et des gains matériels. Se perdre ainsi dans la recherche de la renommée et de l’intérêt personnel, c’est aller à l’encontre des intentions des patriarches. C’est véritablement honteux. Même aujourd’hui, beaucoup sont encore pris par cette folie.

Hideyoshi, Ieyasu – aucun d’eux n’a trouvé la joie éternelle. Et qu’en est-il de Taira no Kiyomori ou Minamoto no Yoritomo 23Hideyoshi, Ieyasu, Kiyomori, Yoritomo : Grandes figures historiques japonaises, représentatives de la quête de pouvoir et d’ambition humaine. ? Ont-ils goûté à un bonheur durable ? Staline, Truman, 24Remplacez par des noms de personnalités contemporaines qui vous viennent à l’esprit. ce ne sont que des variations sur le même thème, tous deux dans la même course insensée.

Sawaki Kōdō

  • 1
    Sōtō (曹洞宗) L’une des principales écoles du bouddhisme Zen au Japon, fondée par Dōgen (1200-1253). Elle met l’accent sur la pratique de zazen (méditation assise) comme voie centrale vers l’éveil.
  • 2
    Rinzai(臨済宗) Une autre école du Zen, introduite au Japon par Eisai (1141-1215). Elle est connue pour son utilisation des kōan, des énigmes ou questions paradoxales, comme méthode d’entraînement à l’éveil.
  • 3
    Kenshō (見性) : Terme zen signifiant « voir sa vraie nature ». Dans l’école Rinzai, il désigne une expérience initiale d’éveil, à approfondir par une pratique continue.
  • 4
    Shin (真宗) Le Jōdo Shinshū, ou École de la Terre Pure Vraie, fondée par Shinran (1173-1263). Cette école met l’accent sur la foi dans le pouvoir salvateur d’Amida Buddha, à travers la récitation du nembutsu (南無阿弥陀仏).
  • 5
    Dōgen (道元) : Fondateur de l’école Sōtō au Japon (1200-1253). Philosophe et maître zen, il a insisté sur la pratique de zazen comme expression directe de l’éveil. Son œuvre majeure, le Shōbōgenzō, explore en profondeur les enseignements bouddhiques.
  • 6
    Meiji (明治) : Période de l’histoire japonaise (1868-1912) marquée par une modernisation rapide et une ouverture au monde après des siècles d’isolement. Sous l’empereur Meiji, des réformes profondes ont transformé la société, notamment la séparation forcée du bouddhisme et du shintoïsme (haibutsu kishaku). Cette politique visait à affirmer l’influence du shintoïsme, considéré comme la religion d’État, et à limiter celle du bouddhisme. Des lois anti-bouddhistes ont été mises en place, entraînant la destruction de temples, la saisie de biens monastiques et la persécution des moines. Des milliers de temples ont été fermés ou démolis, et de nombreux moines ont été contraints d’abandonner leurs fonctions ou d’abjurer leur foi. Ces mesures ont eu un impact dévastateur sur le bouddhisme au Japon, le réduisant à une forme marginale pendant cette période.
  • 7
    Haibutsu kishaku (廃仏毀釈) : Mouvement de persécution du bouddhisme pendant les débuts de l’ère Meiji, lorsque l’État a favorisé le shintoïsme.
  • 8
    Kōan (公案) : Terme utilisé dans le zen, désignant un problème ou une question paradoxale donnée aux pratiquants pour provoquer une rupture de la pensée conceptuelle et stimuler l’éveil. Les kōans sont souvent des dialogues entre maître et élève, où le but n’est pas d’obtenir une réponse logique, mais de transcender l’intellect et d’atteindre une compréhension directe de la vérité. Les kōans sont utilisés principalement dans les traditions Rinzai (aussi parfois dans le Sōtō)
  • 9
    Unsui (雲水) Terme japonais qui désigne un moine zen errant, littéralement « nuage et eau ». Ce terme exprime l’idée de la vie errante, fluide et sans attachement d’un moine qui, dans la tradition zen, se déplace d’un monastère à l’autre pour pratiquer, étudier et recevoir des enseignements. Le mot met en évidence l’humilité, le détachement et la liberté.Le terme peut également se rapporter à la position de novice dans le monastère zen, un aspirant à la pratique de l’enseignement.
  • 10
    Nanjō Bunyū (南条文雄) était un moine zen japonais et un érudit de la période Meiji. Né en 1849, il est surtout connu pour ses études sur le bouddhisme zen et pour avoir été une figure clé dans les échanges entre le Japon et l’Occident concernant le bouddhisme. Nanjō Bunyū a étudié à l’université de Tokyo et a aussi effectué des voyages à l’étranger, où il a joué un rôle important dans la diffusion de la pensée zen en Occident. Il est souvent cité pour avoir introduit certaines idées du zen japonais dans un contexte plus académique et occidental, mais il est aussi critiqué par certains pour avoir fait preuve d’une certaine dévotion à l’approche plus institutionnelle du bouddhisme, par rapport à la pratique de zazen qui est au cœur du zen traditionnel. Sa démarche n’était pas exempte d’influences occidentales. En réponse aux réformes de la période Meiji et aux pressions pour moderniser le bouddhisme, le zen a adopté des éléments de structure hiérarchique et d’organisation formelle, similaires à ceux observés dans le christianisme. Paradoxalement, ce zen réorganisé à l’occidental au XIXe siècle a ensuite été celui que les Occidentaux ont découvert au XXe siècle et avec lequel ils se sont senti des affinités…
  • 11
    Le Shushōgi a été compilé et publié par la Sōtō-shū au début de la période Meiji, en 1885. Ce texte a été rassemblé à partir des enseignements de Dōgen, mais sa sélection et son arrangement ont été orientés pour correspondre aux besoins et aux pratiques des moines de l’époque, particulièrement dans un contexte de réorganisation du clergé bouddhiste sous l’influence de l’État japonais. Ce processus a visé à rendre les enseignements de Dōgen plus accessibles et compatibles avec les structures administratives et monastiques qui commençaient à se renforcer sous la direction de l’État.
  • 12
    Bouddha Amida, ou Amitābha en sanskrit, est une figure centrale du bouddhisme de la Terre Pure (Jōdo-shū et Jōdo Shinshū), une des écoles les plus influentes du bouddhisme au Japon. Amida est un bouddha de la lumière infinie et de la vie infinie. Selon la tradition, Amida a juré de permettre à tous les êtres qui récitent son nom sincèrement (le nembutsu, « Namu Amida Butsu ») de renaître dans sa Terre Pure, un paradis où il est plus facile d’atteindre l’éveil.
  • 13
    Shōshinge (正信偈) :
    Le Shōshinge est un hymne important dans la tradition de la Terre Pure, écrit par le maître Hōnen, fondateur de l’école Jōdo-shū au Japon. Ce texte est une prière d’expression de foi et de confiance dans le Bouddha Amida. Il résume la croyance centrale de cette école selon laquelle la récitation du nom d’Amida, Namu Amida Butsu (南無阿弥陀仏), est suffisante pour être sauvé et renaître dans la Terre Pure d’Amida.
    Ce texte reflète l’idée que la simple dévotion et foi en Amida, plus que la pratique méditative ou les efforts individuels, sont le moyen principal d’atteindre le salut.
  • 14
    Wasan (和讃) :
    Les Wasan sont des poèmes liturgiques utilisés dans les services religieux, souvent chantés ou récités, qui expriment la dévotion envers le Bouddha Amida et l’enseignement de la Terre Pure. Les Wasan font partie intégrante des prières et rituels dans l’école du bouddhisme de la Terre Pure. Ils peuvent inclure des louanges au Bouddha, des exhortations à la pratique du nembutsu, et des expressions de gratitude pour la compassion infinie d’Amida.
  • 15
    Ōuchi Seiran (大内青巖) était un érudit bouddhiste du 19ème siècle, qui a vécu pendant les bouleversements de l’ère Meiji. Tandis que le Japon se modernisait et que la répression anti-bouddhiste frappait durement, Seiran a cherché à maintenir le zen dans un cadre traditionnel. Toutefois, certains voient son travail comme un compromis, cherchant à préserver l’institution du zen à tout prix, au détriment de la profondeur et de la sincérité spirituelle. Il a tenté d’adapter les enseignements du zen aux nouvelles réalités politiques et sociales, mais à une époque où le zen, selon des maîtres comme Kodo Sawaki, était en train de perdre son essence en devenant un instrument d’ascension sociale ou de survie institutionnelle. Ainsi, Ōuchi pourrait être perçu comme un représentant d’une forme de zen devenu un « outil » dans un contexte où la pratique authentique était mise de côté.
  • 16
    Le Fusō (扶桑) était un journal japonais fondé au début de l’ère Meiji. Il est devenu un point de ralliement pour les intellectuels et réformistes bouddhistes qui cherchaient à adapter le bouddhisme aux nouvelles réalités politiques et sociales du Japon. Le journal a joué un rôle important dans la diffusion des idées modernistes au sein du bouddhisme japonais, mais a également été critiqué pour avoir contribué à une forme de bouddhisme « déformé », s’éloignant des enseignements traditionnels pour devenir un outil de propagation de valeurs nationalistes et politiques. Dans le contexte de l’ère Meiji, lorsque le bouddhisme était sous attaque, des figures comme Kodo Sawaki ont vu ces adaptations comme des compromissions avec l’essence véritable de la pratique spirituelle. L’influence de journaux comme le Fusō a contribué à une vision de plus en plus institutionnalisée et politisée du bouddhisme, ce que Sawaki a rejeté dans ses critiques.
  • 17
    Itō Dōkai (1860-1927) fut une figure clé de la modernisation du bouddhisme au Japon, particulièrement au sein de l’école Sōtō. Bien qu’il soit souvent perçu comme un réformateur influencé par les besoins politiques et sociaux de l’époque, Kodo Sawaki, tout en critiquant certains aspects de ses réformes, reconnaît en lui une volonté sincère de préserver l’essence du bouddhisme tout en le rendant pertinent dans un contexte de changement rapide. Dōkai a joué un rôle important dans la restructuration du bouddhisme pour le rendre plus adapté aux défis contemporains, notamment en matière d’organisation et de diffusion. Cependant, Sawaki critique la tendance de Dōkai à adapter le bouddhisme à des impératifs extérieurs, ce qui, selon lui, risque de diluer sa pureté spirituelle. Dans cette optique, Sawaki déplore la perte de la véritable pratique du zen, la transformation de la méditation en simple outil de réussite ou d’amélioration sociale. En somme, bien que Sawaki reconnaisse les efforts et la sincérité de Dōkai, il reste critique quant aux compromis effectués, tout en soulignant que ses intentions n’étaient pas mauvaises. Dōkai reste une figure ambiguë, dont les actions ont façonné une partie de l’histoire du bouddhisme moderne, mais qui, selon Sawaki, n’a pas su éviter les dérives de la modernité.
  • 18
    Sōjiji : L’un des deux temples majeurs de l’école Sōtō avec Eiheiji, fondé en 1328 par Keizan Jokin, dans la région de Kanagawa.
  • 19
    Université de Komazawa : Fondée en 1592, l’Université de Komazawa est une institution d’enseignement supérieur privée située à Tokyo, affiliée à l’école Sōtō du bouddhisme zen. L’université a été créée à l’origine comme un institut bouddhiste destiné à former des moines et des pratiquants dans l’esprit de l’enseignement de Dōgen. Aujourd’hui, elle est un lieu académique reconnu, bien que certaines critiques, comme celles de Sawaki Kodo, soulignent que l’accent mis sur l’éducation laïque et la bureaucratie universitaire a éloigné l’institution de son objectif spirituel original.
  • 20
    Miyajima Hōshū (1890-1958) était un maître zen influent dans le bouddhisme japonais moderne. Prêtre de l’école Sōtō, il s’est distingué par son engagement envers la pratique du zazen et ses efforts pour revitaliser cette pratique durant le début et le milieu du 20e siècle. Il a joué un rôle clé dans la promotion du zazen auprès des laïcs, s’inscrivant dans un mouvement visant à revenir à l’accent fondamental mis sur le zazen, comme le mentionne Kōdō Sawaki dans le texte. Miyajima Hōshū a enseigné dans la région du Kantō et a dirigé plusieurs temples, transmettant son enseignement avec simplicité et profondeur.
  • 21
    Kōdō Sawaki semble faire ici référence à Shimoyama Osuke 下山応助.
  • 22
    Le culte shintoïste d’Ontake est centré sur le mont Ontake, vénéré comme une divinité dans la tradition shintoïste. Ce mont est un lieu de pèlerinage important, où les pratiquants croient que des bénédictions spirituelles et matérielles peuvent être reçues des divinités résidant sur la montagne. Le culte est lié à des rites animistes et spirituels, en contraste avec les pratiques bouddhistes, et a pu attirer certains individus qui ont quitté le bouddhisme pour s’y engager.
  • 23
    Hideyoshi, Ieyasu, Kiyomori, Yoritomo : Grandes figures historiques japonaises, représentatives de la quête de pouvoir et d’ambition humaine.
  • 24
    Remplacez par des noms de personnalités contemporaines qui vous viennent à l’esprit.